Faire pour défaire ses chaînes

Tout n'est pas clair ? Essayons de clarifier un peu plus...

Q: Pourquoi faire de la haute technologie, alors que vous prônez  la basse technologie et que vous vous opposez vertement aux tenants d'un monde sauvé par la high-tech ?

R: C'est une des questions fondamentales et des plus difficiles qu'on puisse nous poser. Il ne s'agit pourtant pas d'une contradiction qu'on essaie de mettre sous le tapis.

Récapitulons:

  • nous pensons que la technologie rend l'Humanité plus vulnérable, contrairement à ce qu'il paraît au premier abord et est soutenu par les défenseurs du "dieu progrès"
  • nous pensons que la technologie est un instrument de domination
  • nous ne croyons pas que la technologie va résoudre les problèmes extrêmement complexes auxquels fait face l'Humanité aujourd'hui: en d'autres termes, elle ne va pas résoudre les soucis qu'elle a elle-même engendrés
  • nous affirmons que la technologie, en tant que consommatrice d'énergie, n'est pas viable pour remplacer la main d'oeuvre humaine, car cela suppose "prendre deux fois à la Terre": une fois pour se nourrir, puis une autre fois (en fait bien plus d'une fois) pour être dans le confort

Alors pourquoi proposer des solutions basées sur la technologie ?

La réponse est en partie dans les points plus hauts. En tant qu'outil de domination, la technologie sert et servira aux puissants. A l'échelle individuelle, elle permet la domination des entreprises, donc de ceux qui les possèdent, sur les individus. A l'échelle du groupe, elle permet à certains groupes d'en dominer d'autres, avec une évolution très rapide des rapports de force, d'ailleurs. Ainsi, en moins d'un quart de siècle la Chine en est venue à imposer sa loi au monde, aidée par notre infinie soif de consommation. A l'échelle du groupe, ne serait-ce, laisser la technologie aux mains des autres c'est simplement suicidaire. Et, de fait, à l'échelle des individus laisser la technologie sous le contrôle du groupe c'est offrir l'outil parfait de domination à ceux qui dirigent/dominent le groupe (en échange d'un peu de sécurité contre les autres groupes).

Aussi, l'évolution la plus notable des dernières années fut la désindustrialisation des pays riches, de paire avec la "société des chefs" qu'on appelle pudiquement une société de services. Le savoir-faire réel et pratique a disparu dans les sociétés occidentales au profit du savoir-faire commerçant. Sauf que le vainqueur semble être celui qui a gardé le savoir-faire pratique, c'est-à-dire ceux qui hier faisaient pour nous, pour aujourd'hui nous en rendre totalement dépendants.

Cela peut se discuter de savoir si c'est un juste retour du bâton ou pas. Mais dans l'idée de défendre nos idéaux (non pas ceux du capitalisme, mais ceux de partage et de fraternité) et notre liberté, aussi bien que dans le but d'assurer la survie de nos enfants sans les chaînes d'une domination qui ne pourra qu'être sans merci, nous nous devons de reprendre le contrôle.

Nous sommes conscients que nous flirtons ici avec des discours possiblement nauséabonds et demandons bien à chacun de bien peser ce qui est dit. Il ne s'agit pas de promouvoir la haine ou la peur, mais de faire un constat simple, factuel, réaliste. Nous aimerions une décroissance mondiale, une paix des braves pour la survie de tous. Il y a peu de chances qu'elle ait lieu. La raréfaction des ressources et la concurrence exacerbée ne pourront aboutir qu'à des conflits généralisés et récurrents. Localement et globalement. Seuls ceux qui maîtrisent les armes des autres pourront espérer s'en sortir. Seulement espérer.

Il est donc illusoire de se passer de la technologie, par contre il est tout à fait possible de se passer de ses complexités inutiles. C'est toute notre expérience dans le monde des entreprises occidentales, sclérosées par l’incompétence collective et ignorantes de la complexité inutile qu'elles ont créée, qui nous permet aujourd'hui de dire qu'il existe d'autres chemins (voir par exemple l'article "Une multitude contre l'accaparation").

Q: Vous pourfendez la "technologie toxique", par exemple la sur-utilisation du plastique (voir article "Abeilles et petits mensonges entre amis"), mais vous vous dotez d'imprimantes 3D... N'est-ce pas un peu fort de café ?

R: Nous méprisons et le mot n'est pas assez fort, l'utilisation des imprimantes qui impriment du plastique à des fins ludiques (ex: impressions de figurines). Nous détestons sincèrement le plastique. Mais nous n'avons pas réussi à date à trouver une solution d'un coût raisonnable au besoin de prototyper ou de fabriquer des pièces mécaniques simples à petite échelle.

Nous savons pertinemment quelques petites choses concernant la fabrication artisanale:

  • l'usinage par enlèvement de matériel est assez coûteux en énergie et possiblement polluant (en particulier pour l'aluminium, du moins si pratiqué n'importe comment): il faut l'utiliser avec parcimonie
  • la fabrication additive utilisant le métal est toute proche, mais très complexe encore, extrêmement chère (c'est en train de changer) et donc hors de notre portée pour l'instant
  • l'utilisation de la tôle est parfois une possibilité viable, mais nous n'avons pas cette compétence à date
  • l'utilisation du bois est une possibilité qui demande à être explorée, mais pas sûr que couper des arbres à tout va soit l'avenir que nous espérons (discussion oh combien complexe sur laquelle nous reviendrons).

Ainsi, sommes-nous encore des ignorants manquant de savoir-faire. C'est pour cela que nous avons besoin de votre aide. Trouver des solutions qui nous correspondent en tout point en y réfléchissant ensemble.

Q: Est-il possible de mener autant de projets en même temps ? N'est-ce pas l'assurance d'un abandon futur, faute d'avancées et d'énergie ?

R: Il est évident que personne ne peut réussir seul. D'où le fait de créer une association. Il est évident aussi que tous les projets n'aboutiront pas. Mais est-ce vraiment le but ? Le but n'est-il pas plutôt de s'approprier le savoir-faire et de s'entraider, éventuellement avec tous les autres un peu partout. Ainsi, un projet abandonné ici, donnera peut-être une idée là-bas et un résultat encore plus loin.

Et non, nous n'allons pas abandonner. Juste parce que ce n'est pas comme monter une start-up, ou avoir un simple projet pour l'année qui suit. C'est l'essence de notre vie de tous les jours dont on parle ici. Ce qui nous poursuit et nous occupe à chacune de nos actions. Il est question de l'avenir de nos enfants. Qui pourrait abandonner ses enfants sans au moins tout tenter jusqu'au bout ?

Q: Vous mépriser les "chefs" et semblez adorer ceux qui savent faire des choses de leurs mains. Mais vous, que savez-vous faire ?

R: Nous en connaissons qui répondraient. Venez nous rejoindre pour le découvrir. Les faits valent plus que de l'auto-congratulations, d'autant plus que l'humilité doit être la première qualité de tout travailleur.

Q: Je ne sais moi-même rien faire de mes mains. Vous m'insultez dans la plupart de vos écrits. Pourquoi viendrais-je vous voir ?

R: Tout d'abord, s'il arrive que nous soyons directs et que nous prenions les raccourcis de l'indignation, nous n'avons pas le droit de mépriser qui que ce soit. Ceux qui lisent attentivement ont peut-être observé que nous critiquons d'abord ceux qui ont l'arrogance de se voir à l'opposé des faits, en évitant de mettre tout le monde dans le même panier et définitivement. Dans notre société, ne rien savoir faire de ses mains est devenu juste normal et nous avons également été dans ce cas. Il suffit de le comprendre, de l'accepter, puis de prendre les mesures pour changer cela. Nous avons le plus grand respect pour ce genre de personnes.

Q: Vous n'avez pas de local. Où allez-vous faire tout ça ?

R: Pour l'instant le local est en construction auto-financée. Nous ne demandons rien à personne pour cela, mais cela prendra le temps qu'il faut. En attendant, il existe mille solutions, il suffit de se rappeler du système D. Sans parler que chacun se doit d'avoir son atelier. Une manière de faire du travail distribué !

Q: Comment vous financez-vous ?

R: Essentiellement en mettant de nos poches. Le sujet est trop vital pour faire le radin. A terme, d'autres membres participeront, on l'espère.

Q: N'y-a-t-il pas conflit d'intérêts si des activités commerciales sont concernées (artisans, entreprises, etc.) ?

R: Cela dépend de comment les choses sont faites. Nous reconnaissons cette possibilité et nous nous engageons à lutter contre son advenue. A chacun de se faire sa propre idée en âme et conscience, mais la loi est là aussi pour encadrer le risque.

Même si les mots n'engagent que ceux qui les croient, l'association en elle-même est une forme de lutte indirecte contre la corruption et le copinage au profit de l'entraide généralisée et profitable au bien commun.